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Pain de sarrasin et riz, Clos des papillons et Moulin Marion

Malgré une appellation courante de "blé noir", le sarrasin n'est pas une espèce du genre Triticum ("blé"), ni même une graminée. Il s'agit d'une Polygonacée dont les graines sont naturellement sans gluten.

Tout comme le sarrasin, les premières traces de culture de riz sont attestées en Chine, il y a environ 9 à 10'000 ans et il fut cultivé pour la première fois en Europe aux alentours du XVème siècle (autour de la méditerranée dont le climat permet une abondante source d'humidité et de lumière nécessaire au développement du riz).

Bien que faisant partie des trois céréales les plus cultivées au monde avec le blé et le maïs, le riz ne compte pas parmi les céréales traditionnellement panifiées du fait de l'absence naturelle de gluten. Faire du pain de riz est donc un art relativement récent. Rarement travaillé seul du fait de son goût assez neutre, le riz se marie parfaitement au sarrasin, au goût plus charpentée et âcre.

Concernant ce fameux gluten maintenant, il me semble opportun d'en préciser les aspects suivants. 

Le gluten n'existe pas en tant que tel dans la farine, ni dans le grain. A l'origine, le gluten est composé de deux familles de protéines, les gliadines et les gluténines qui sont capables de s'assembler (une fois mouillées) pour produire un gigantesque réseau tridimensionnel qu'on appelle justement "le gluten". Ce dernier à la particularité d'être élastique, extensible et, surtout, étanche, ce qui permet, in fine, au pain de lever en captant la production de gaz des ferments.  

Manger du gluten, c'est donc en quelque sorte, dégrader et absorber deux familles précise de protéines. 

Si ces dernières ont toujours existé dans les blés, ou autres céréales en contenant, et que leur quantité (dans le grain) n'a pas sensiblement augmenté au cours du temps, leur capacité à s'assembler dans des molécules toujours plus grande a évolué extrêmement rapidement au cours du siècle dernier. A la question des intolérances qui en résulteraient aujourd'hui, on peut donc dire que le problème ne résiderait pas dans la quantité que l'on ingère mais dans la taille de "l'assemblage" du réseau de gluten.

Or si l'on sait que la formation de ce réseau n'est pas que liée à la farine employée (qui résulte elle-même d'une infinité de paramètres tels que la céréale, la semence, le climat, la terre, les maladies, les produits et méthodes employées par l'agriculteur et par le meunier), mais également à la méthode de panification (pétrissage long/court intensif/léger/inexistant ; fermentation longue/courte ; type de ferments employés levure/levain ; niveau d'acidité du milieu, etc.), et que, in fine, il n'y a pas un métabolisme modèle présent dans chaque être humain, mais plutôt l'inverse (on est bien tous différent), on comprend alors qu'il n'y a pas et n'y aura sans doute jamais de réponse simple à la question de l'effet du gluten sur notre santé. 

Je permets ici de citer mon directeur de formation : "La nuance, comme en tout, est salvatrice, quand les avis intégristes ne font que polluer le débat".

Chacun sera alors responsable et le plus à même de témoigner de ce potentiel effet (du gluten) sur son propre métabolisme... et de se poser les mêmes questions importantes quand il mange de la viande, fume une cigarette, boit de l'alcool, prend un médicament, ou ingère un aliment étiqueté "glutenfree" dont la création peut relever d'un simple assemblage pharmaceutique d'amidon modifié et d'améliorants divers (type E464 par exemple) ou d'émulsifiants...

Mais terminons sur une note moins philosophique et plus technique.

S'il n'est pas possible de produire un pain sans gluten au sens légal du terme au sein de LEVAIN (comme expliqué dans une précédente recette), le pain de cette semaine est ce qui peut s'en rapprocher le plus. En effet, avec un levain de sarrasin spécialement fermenté pour l'occasion, la présence de gluten a été limitée aux traces et résidus présents dans le pétrin ou le four du laboratoire.

Pour compenser l'absence de ce dernier, il est courant, en boulangerie, d'utiliser un viscosant végétal. Mon choix s'est alors porté sur le psyllium de plantain dont les graines sont recouvertes d'une enveloppe (tégument) très riche en mucilage (fibres solubles) qui gonflent au contact d'un liquide.

Vous voilà informés :) !

Un dernier conseil, comme la plupart des pains sans gluten, il est conseillé de déguster ce pain sarrasin et riz dans de fines tranches... révisez donc votre géométrie de la coupe et ... 

A vos papilles !

Ingrédients

  • 0.7 kg Farine bio bise de sarrasin, Clos des Papillons T80
  • 0.3 kg Farine bio complète de riz, Moulin Marion T130
  • 1.12 kg Eau
  • 0.3 kg Levain de sarrasin PH 4.5 - 4.6
  • 0.014 kg Psyllium de plantin Biopartner
  • 0.07 kg Huile de tournesol bio Biopartner
  • 0.02 kg Sel Jurasel

Instructions

  1. Les moutures sont réalisées sur meule de pierre, de type 80 (sarrasin) et 130 (riz)

  2. La recette est fermentée sur un levain mature de sarrasin (PH entre 4.6 et 4.5).

  3. Le pétrissage est réalisé à la main dans un pétrin en hêtre massif (1 heure de frasage et soufflage pour 100kg de pâte environ).

  4. La durée de fermentation est de 5 à 6 heures (1 heure de pointage en masse et 5 heure d'appret en moule à température ambiante)

  5. La cuisson dure 40 minutes à 250°C + 20 minutes de séchage à 210°C.

Notes

Clos des Papillons (Allens, VD)

Le magnifique domaine bio est géré par la famille Tissot depuis plusieurs générations. Ils y cultivent autant des anciennes variétés de céréales que des modernes. Vous trouverez un self de vente à la ferme avec, en marge des produits issus des grandes cultures, quelques autres spécialtés (huile, pâtes, jus de fruits, graines de lin, lentilles, caméline, oeufs, fromages...). Les farines sont, quant à elles, écrasées sur meule de pierre (type : Astrié).

Toute l'exploitation s'effectue dans le respect de la biodiversité pour une distribution locale.

La farine est acheminée d'Allens à Coinsins (Ferme Jaggi, VD) par Corentin Tissot dans son  utilitaire, avant d'être prise en charge par moi-même et mon véhicule de tourisme pour le dernier bout jusqu'aux Eaux-Vives.


Moulin Marion (Saint-Jean sur Veyle, FR)

Le moulin, qui date du XVIème siècle, a été modernisé au début du XXème siècle et fait figure de pionnier dans le bio en France (depuis 1984 déjà). Encore géré de manière familiale, le moulin Marion poursuit son engagement dans la filière en accompagnant un grand nombre de céréaliers à se reconvertir en bio. Maria Pelletier, sa dirigeante, est notamment membre de la commission nationale de l'agriculture biologique, experte au Grenelle de l'environnement (agriculture et alimentation et membre du comité consultatif d'ECOCERT.

La farine est acheminée de St-Jean sur Veyle à Genève, dans un camion, par un transporteur international.