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Méteil du plan perdu, Ferme à roulettes

Qu'il est compliqué de parler du pain quand on a envie de vous parler de l'homme. Tantôt briologue, parfois enseignant, souvent mécano, parfois musicien, ponctuellement vigneron ou boulanger, et donc régulièrement meunier et agriculteur, Laurent Burgisser est toujours brillant. Il est celui, qui m'appris qu'un agriculteur pouvait, s'il acceptait d'y passer beaucoup de temps, se construire son propre terroir à travers la semence de ses grandes cultures. 

En préparant cette nouvelle année 2020, il était l'un des fermiers avec lesquel je souhaitais absolument travailler. Sa farine devait figurer en bonne place dans mon carnet de recettes et même s'il fallait passer d'un blé des Millevaches, à un Rouge de Bordeaux, à un mélange d'anciennes variétés inconnues à mon bataillon et multiplier les essais pour sortir à chaque fois de jolies miches, j'aurais signé X fois. On y a cru, tous les deux, mais Laurent m'a récemment informé que ses récoltes récentes ne suffiraient pas pour donner naissance aux quantités de farines souhaitées (encore une fois cette fameuse contrainte dans la disponibilité des farines bios et locales).

Malgré tout, le silo ne sonnant pas tout à fait creux, il me lâcha 125kg de farine dit "Méteil du plan perdu" (baptisé comme cela par Laurent) et 100kg de farine de blé "Rouge de Bordeaux", histoire de faire quelque chose pour ce début d'année et d'offrir aux abonnés LEVAIN une virée sur le coteau de Bernex.

Bref... le pain donc... A mi-chemin entre un méteil (donc un pain qui mélange du seigle et du blé) et un pain de campagne, cette miche nous livre une mie fondante à coeur rustique et plus dense que sur les blés modernes. Les saveurs sont fortes au nez et acidulée en bouche.

Ingrédients

  • 0.6 kg Farine bio bise "méteil du plan perdu", Ferme à roulettes - Sézenove (GE) Farine sur meule de pierre
  • 0.4 kg Farine bio de blé "Rouge de Bordeaux", Ferme à roulettes - Sézenove (GE) Farine sur meule de pierre
  • 0.74 kg Eau
  • 0.018 kg Sel
  • 0.25 kg Levain jeune de seigle PH 4,1 - 4,2

Instructions

  1. Les moutures sont réalisées sur meule de pierre.

  2. La recette est fermentée sur un levain jeune de seigle (PH entre 4.1 et 4.2)

  3. Le pétrissage est réalisé à la main dans un pétrin en hêtre massif (1 heure de frasage et soufflage pour 100kg de pâte environ)

  4. La durée de fermentation est de 15 à 21 heures (3.0 heures de pointage à température ambiante + 12 à 18 heures d'apprêt à froid + 4°C)

  5. La cuisson dure 45 minutes à 250°C + 5 minutes de séchage à 220°C

Notes

La ferme à roulettes, Sézenove (GE). Texte de Laurent Burgisser

"La multiplication des variétés anciennes

L’une des facettes de La Ferme à Roulettes, c'est de multiplier, sélectionner et acclimater des blés anciens. La première année, on commence par semer les grains de 2 épis d'une variété et durant les années suivantes, on multiplie ce que l'on récolte. De deux épis, il faut environ 6 ans pour en faire un champ suffisamment grand (de l’ordre d’un hectare) pour en faire de la farine. Et donc du pain.

Chaque année, la collection comprend une quarantaine de variétés, séparée les unes des autres pour ne pas les hybrider. Elles sont moissonnées soit à la main, soit avec une petite moissonneuse spécialement dédiées cette multiplication. N'hésitez pas à venir voir la collection des blés ; de juin à juillet c'est là qu'elle est la plus parlante.

L'inconvénient de partir de si peu de grain, c'est que c'est long. Les avantages sont cependant nombreux. Les variétés anciennes s'acclimatent très vite   ; un blé multiplié en quelques années dans une ferme ne sera pas le même dans la ferme d'à côté. La sélection du paysan, le sol, le climat, les champs et les méthodes de culture pétrissent chacune de ces variétés à l’image du terroir.

Si chaque ferme choisissait et multipliait quelques variétés anciennes, même une ou deux, elle pourrait être alors la gardienne de ses propres semences   ; l'agriculture tout entière serait plus libre. De plus, si chacune de ces fermes (pour autant qu'elle soit à taille humaine) possédait son ou ses propres mélanges de blés, il n'y aurait plus de concurrence : que des terroirs, des goûts et des recettes. C’est dans cet élan que ce méteil a été semé.

Semer en mélange

Dans les champs dédiés à la farine, certaines variétés sont semées en pures, d’autre en mélange, directement dans le champ. L’un des grands avantages de posséder une collection de blés et de multiplier chaque variété pure, c’est que l’on peut refaire le mélange à l’identique. Un mélange que l’on sème 10 ans d’affilée sans le refaire perdra la plupart de ses variétés   ; il y a de fortes chances qu’un mélange comprenant 100 variétés à l’origine, au bout de 10 ans, n’en comprennent plus que 10.

Une agriculture biologique, sans engrais

Les méthodes de culture de La Ferme à Roulettes se veulent être le plus proche possible d'un système naturel. Par conséquent, l'agriculture est biologique (selon l'ordonnance bio, sans besoin d'autre label coloré), mais également sans aucun traitement bio (si une plante a besoin de quoi que ce soit, elle n'est pas adaptée à notre région). De plus, aucun engrais ni fumier n'est utilisé depuis 6 ans. Suivant les terrains, du trèfle ou de la luzerne est semé dans le blé au printemps, d'autres champs, à titre d'expérimentation, sont semés directement dans de la luzerne vivante et d'autres encore sont travaillés afin de faire ressortir les plantes messicoles, "les plantes des moissons", grandes copines du coquelicot et du bleuet (mais certaines sont bien plus rares).

Botaniste de formation, il est naturel que l'agriculture prodiguée ici fasse la part belle à ces petites plantes, souvent discrètes, qui accompagnent les champs depuis environ dix mille ans. Chaque année, on affine les méthodes afin de faire germer à nouveau ces plantes que l'on a perdues. Une dizaine de ces espèces rares/menacées dans le canton et en Suisse sont désormais présentes sur le domaine.

La mouture

Le moulin est installé dans une roulotte (d’où sont tirées les roulettes de la ferme), à côté des champs. C’est un moulin à meule de pierre, «   de type Astrié   », c’est-à-dire que la pierre volante (c’est-à-dire celle qui tourne) en granit est sur ressort   : il n’y a pas d’échauffement de la farine et les qualités nutritionnelles sont conservées aux maximum. De plus, comme avec tous les moulins à meule de pierre, le germe est moulu, et c’est ce germe qui contient la plupart des vitamines."


La farine est acheminée de Sézenove aux Eaux-Vives par moi-même et mon véhicule de tourisme.