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Nara bise, Pra Charbon

Durant la première année et demi du projet LEVAIN, j'ai eu l'occasion de travailler avec 14 domaines agricoles de la région (100km autour de Genève), et donc, d'appréhender la qualité des farines (et parfois aussi des graines) produites dans ce même rayon. 

Parmi ce vaste choix, il en est une qui m'a clairement étonnée de part sa qualité boulangère. Il s'agit de la variété de blé tendre Nara, cultivée par les Mastroianni à Savigny (VD) 

Lorsque vous testez une farine, une des premières caractéristiques que vous cherchez à connaitre et sa "faculté à boire". La quantité d'eau inoculée dans la recette aura un impact sur la conservation du pain, le moelleux de la mie et la capacité à épaissir la croute de la miche sans accélerer le processus de séchage du pain. En tant que boulanger, vous cherchez donc naturellement à augmenter cette quantité d'eau tout en respectant une certaine limite... qui, si elle est dépassée, fera de votre pain une gallette.

Il est rare, avec les moutures artisanales bio, d'obtenir des résultats équivalent aux farines industrielles (qui ne sont d'ailleurs pas que de la farine, mais des mélanges contenant également d'autres ingrédients qui facilitent, in fine, le travail du boulanger).

De la première recette (mai 2019) à 78% d'hydratation... je suis monté aujourd'hui à un taux de 84%. La pâte devient alors bien plus compliquée à gérer. Si l'on peut maitriser son élasticité avec les tours (forme de rabats) qu'on lui donnera, chacune de ces manipulations pourra provoquer une perte de gaz produit par les ferments. On évolue ainsi sur un fil et le travail de panification n'en devient que plus intéressant :).

Tout ceci donc pour bénéficier d'une grande quantité d'eau avant le début de cuisson. Cette ressource sera utilisée pour travailler une cuisson plus vive et longue avec l'idée de produire une croute généreuse et fortement caramélisée tout en conservant une mie fondante et tendre. 

Le pétrissage main imposera une mâche soutenue (paroie entre chaque alvéole importante), quant au choix du tamis de la mouture (400 - T100), il permettra d'intégrer une partie substantielle de l'enveloppe du grain, plus riche en fibres et minéraux.

Information complémentaire pour le deuxième semestre 2020.

La plupart d'entre vous connaissent déjà bien le pain de campagne LEVAIN qui vous avait été proposé lors du premier semestre 2020. Celui-ci étant ressorti parmi les pains préférés des abonnés, vous le retrouvez donc au deuxième semestre... avec, néanmoins, un petit ajustement. 

En début d'année, il était question d'augmenter au maximum la quantité d'eau de la recette (pour maximiser la conservation et le moelleux du pain). Or, une pâte très hydratée est une pâte qui nécessite un grand nombre de tours pour conserver son élasticité (sans quoi la pâte s'étale inlassablement), ce qui peut donner lieu à des dégazage intempestif (= perte de moelleux). En outre, une pâte trop hydratée donne généralement des mies relativement "sticky" (ce qui peut ne pas être du gout de tout le monde). 

J'ai donc décidé de réduire l'hydratation de la recette de deux point (à 82%) et de pousser la fermentation un peu plus loin (pour favoriser le développement du pain).

Si ces commentaires relèvent plus du réglage fin que de la réelle innovation, vous pouvez vous apercevoir que le métier (quand il est réalisé dans les règles de l'artisanat) implique une adaptation constante.

Ingrédients

  • 1 kg Farine bio bise de blé Nara, Ferme du Pra Charbon - Savigny (VD) Farine sur meule de pierre, tamis de 400 - équiv. T100
  • 0.82 kg Eau
  • 0.02 kg Sel
  • 0.25 kg Levain jeune de seigle PH 4.1 - 4.2

Instructions

  1. La mouture est réalisée sur meule de pierre avec un tamis de 400 microns (équivalent farine T100) et la recette est fermentée sur un levain jeune de seigle (PH entre 4 et 4.2).

  2. Le pétrissage est réalisé à la main dans un pétrin en hêtre massif (1 heure de frasage et soufflage pour 100kg de pâte environ).

  3. La durée de fermentation est de 15 à 21 heures (3.5 heures de pointage à température ambiante + 12 à 18 heures d'apprêt à froid + 4°C).

  4. La cuisson dure 60 minutes à température dégressive (250 - 240°C) + 5 minutes de séchage à 180-190°C.

Notes

Ferme Pra Charbon à Savigny, par V. Mastroianni

"La ferme de Pra Charbon, située à Savigny sur les hauteurs de Lausanne, est une exploitation agricole en reconversion biologique depuis 2017 et qui existe depuis au moins 1834, année de construction de la maison. De générations en générations, la ferme s'est transmise au sein de la famille Crot. Aujourd'hui, nous sommes la 10ème génération qui perpétue avec amour et passion la culture de céréales et autres végétaux.

En effet, c'est officiellement en 2017, que Virginie reprend avec l'aide de son époux Fabio la ferme jusque-là gérée par Marc-Henri (le papa) et décident de suivre le cahier des charges de Bio Suisse.

A la suite de la multiplication d'anciennes variétés de céréales, nous décidons d'acquérir un moulin de type Astrié pour y moudre sur meule de pierre ces blés précieux que nous valorisons en circuit direct à la ferme. Blés anciens, blés modernes, engrain, amidonnier, épeautre, seigle... nos cultures sont transformées en farine dont une partie est vendue comme telle et une autre utilisée dans la production de pain maison au pur levain et à longue fermentation que nous vendons un jour par semaine à la ferme.

Afin de privilégier la biodiversité dans nos champs, nous cultivons également des lentilles, du lupin, de la caméline, de la moutarde, du millet, du lin ainsi que quelques légumes. Certaines de ces graines (comme la moutarde, la caméline, le lin etc...) sont ensuite pressées pour en faire de l'huile et d'autres (comme les lentilles ou même l'engrain) sont triées et mises en sachet afin de les consommer cuites.

Un autre objectif poursuivi est de pouvoir favoriser le circuit court paysan-consommateur en proposant des produits de qualité, naturels et sains, le tout dans le respect de la terre et de l'environnement."


La farine est acheminée de Savigny à Genève, dans un véhicule de tourisme par le cousin de Fabio, Giovanni, qui habite à Genève et se rend régulièrement dans le canton de Vaud.